Participation et durabilité. Deux injonctions en tension ?

Affiche atelier ACDD Participation et durabilite injonctions en tension (fusionne)

Cycle « Acteurs et régimes de production de l’acceptabilité sociale »

Neuvième journée de l’atelier Développement durable et “acceptabilité sociale”

Mardi 26 mai 2015

Coordonateur de la séance : Rémi Barbier[1]

La participation des « personnes concernées » est une norme de l’action publique environnementale. Plusieurs finalités lui sont généralement assignées : incorporer des valeurs et intérêts du public dans le processus de prise de décision ; améliorer la qualité intrinsèque des décisions ; renforcer la confiance dans les institutions ; éduquer le public ; réduire les conflits, le tout en justifiant le temps et l’argent consacrés à sa mise en œuvre [2]. Mais les résultats de la gouvernance participative ou concertée de l’environnement sont-ils à la hauteur des espoirs placés dans ces nouvelles pratiques ? La littérature se fait l’écho à cet égard d’une lassitude et d’un certain désenchantement. D’autres auteurs évoquent avec une tonalité critique une « idéologie participationniste » au service d’un gouvernement de la critique sociale et environnementale. D’autres enfin identifient les multiples obstacles à l’effectivité démocratique (quel(s) public(s) participent réellement ? les acteurs d’environnement en sortent-ils renforcés ?) et fonctionnelle (cela contribue-t-il à améliorer l’état de l’environnement ?) de la gouvernance participative. L’environnement a-t-il alors vraiment besoin de la participation ?

Cette séance de l’atelier entend questionner les liens complexes entre (formes diverses de) participation et (pluralité des effets en matière de) soutenabilité.

Discutante : Cécile Blatrix [3]

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Les présentations Powerpoint et les enregistrements audios de la séance sont directement accessibles depuis le programme ci-dessous :

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Introduction de Rémi Barbier

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Matinée (10h – 12h30) Des dispositifs participatifs à leurs effets en matière de durabilité :

Gilles Massardier[4] : « Des contradictions aux paradoxes: les relations ambigües entre durabilité et participation »

Première partieDeuxième partiePrésentation Powerpoint

A partir de cas français et latino-américains et d’une méthodologie délibérément externaliste de la lecture des arènes participatives, cette intervention raisonnera en deux parties. La première montrera les contradictions entre durabilité et participation où sélection des acteurs et système expert annihilent toute capacité des arènes participatives à construire une quelconque acceptabilité sociale des politiques publiques. La seconde partie évoquera des relations plus paradoxales. Si l’on regarde les dispositifs participatifs à partir des relations qu’ils entretiennent avec les logiques ‘classiques’ des politiques publiques (contrôle des normes, logique de la représentation, contrôle politique et administratif des territoires), apparait alors un paradoxe : la durabilité sociale ou environnementale entre par la fenêtre de ce classicisme mais est relayée par les instruments participatifs.

Intervention de Cécile BlatrixRéponse de Gilles Massardier

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Charlotte Halpern[5] : « Participation et durabilité: une relation ambigüe, des effets limités »

Présentation Powerpoint [6]

L’environnement et le développement durable, au même titre que d’autres politiques transversales à l’action de l’Etat (urbain, égalité, social etc.) ont longtemps constitué un domaine privilégié pour l’introduction de dispositifs participatifs. Reposant sur une forme alternative de légitimité politique, ces dispositifs constituaient une solution politique privilégiée pour faire face l’évolution des formes de participation politique. Appréhender ces dispositifs par leurs effets, et non par leur nature ou leurs caractéristiques, constitue une opportunité de s’interroger sur la relation entre ces instruments de démocratie du publique et une amélioration de l’état de l’environnement (substance et acteurs). La communication s’appuiera sur des recherches passées et en cours sur les dispositifs participatifs introduits dans le domaine de l’environnement (infrastructures de transport et/ou déchets).

Intervention de Cécile Blatrix – Réponse de Charlotte Halpern

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Après-midi (14h – 16h30) Des acteurs, notamment associatifs, à leur rapport à la double injonction (participation et durabilité) :

Sandrine Rui[7] : « Durabilité et pluralisme. Des effets des tensions entre société civile organisée et participation institutionnalisée »

Première partieDeuxième partie

Quand D. Bourg (2013) affirme que « sans le développement durable, la démocratie participative et délibérative n’aurait pas exercé la même influence », la formule rappelle que l’institutionnalisation de la participation est particulièrement significative en la matière et s’est imposée comme une condition de la durabilité. Toutefois, ciblant de façon singulière les citoyens concernés, l’offre publique de participation est prise, comme toute institution intermédiaire, « dans une tension entre demande d’expertise de l’Etat pour connaître et gouverner la société et auto-organisation du social » (Chatriot, Lemercier, 2002, p.697). Elle s’avère de fait concurrencer la société civile organisée par l’extension du domaine du pluralisme (des acteurs, des enjeux, des évaluations) qu’elle induit. En nous intéressant aux réticences des acteurs de la société civile à l’égard des dispositifs participatifs, l’enjeu de la communication est alors d’interroger les conséquences de cette mise en concurrence sur l’appropriation du principe de développement durable. Dans quelle mesure la durabilité fait-elle les frais du pluralisme ? En sort-elle à l’inverse confortée comme principe et horizon de l’action publique contemporaine ?

Intervention de Cécile BlatrixQuestion de la salleIntervention de Jérôme BoissonadeIntervention de Benoit GranierRéponse de Sandrine Rui

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Etienne Ballan[8] Démocratie et environnement : une injonction paradoxale pour les environnementalistes ?

Première partieDeuxième partie

Le socle du rapport entre environnement et participation du public a été fondé lorsque l’écologie politique était encore faible, et la sensibilité aux enjeux environnementaux en train de se diffuser. Le principe 10 de la déclaration de Rio a ainsi fondé une alliance plus pragmatique qu’idéologique entre démocratie et environnement. On peut faire aujourd’hui le bilan de cette alliance.

D’un point de vue macro, la cause environnementale a eu besoin de la participation. Mais les logiques d’action des ONG au Grenelle et depuis montrent que ce point n’est peut-être pas essentiel dans leur combat. La démocratie a-t-elle eu besoin de l’environnement pour progresser ? Oui, sans aucun doute, et la conflictualité environnementale est encore un moteur du changement de la démocratie. On regardera à cet égard les étapes d’émergence et de mise en œuvre du principe de participation inscrit à l’article 7 de la Charte constitutionnelle de l’environnement.

Du point de vue des projets, l’alliance a produit également des effets plus forts qu’attendus. Un cercle « vertueux » est possible entre durabilité et participation dans certains cas, y compris sur des projets conflictuels. La « prime à la conflictualité » introduite par le développement des procédures de participation a fonctionné et permis l’abandon ou l’amendement très substantiel de nombreux projets.

Alors pourquoi une défiance renouvelée et la difficulté à légitimer durablement des procédures de participation en France ? On constate en effet un double mouvement des acteurs associatifs vis-à-vis des procédures de participation : leur instrumentation comme tribune pour des arguments par ailleurs inaudibles, et dans le même temps, la disqualification des instances au motif de leur incapacité à peser sur les décisions. L’hypothèse proposée ici est qu’il faut chercher les racines de cette défiance pas seulement dans les procédures, mais dans le rapport des ONG au grand public, structurellement faible en France. S’est instaurée une forme de concurrence entre le public, difficile à cerner mais source de légitimité, et les ONG, marquées par un certain complexe d’illégitimité.

Comment dépasser cette défiance qui marquerait le mouvement environnemental vis-à-vis de la participation ? Peut-on refonder une alliance contemporaine, mieux articulée aux questions démocratiques et pas seulement environnementales ? Pour cela, il convient d’identifier les déterminants internes et externes aux acteurs environnementalistes : la concurrence entre les logiques d’enrôlement des associations par l’Etat et la nouvelle conflictualité locale et nationale, la logique d’expertise demandée aux associations, le recours aux arguments de l’urgence et de la catastrophe imminente, etc. Le renouveau de la conflictualité environnementale semble repousser les acteurs vers la reproduction d’un sentiment de minorité éclairée, qui a marqué les débuts de l’écologie militante. Les débats sur les referendums nationaux et locaux sur les questions environnementales reposent crument ces questions.

Intervention de Cécile BlatrixRéponse d’Etienne BallanIntervention de la salleEchange entre Etienne Ballan et Cécile Blatrix

 

 

[1] Professeur à l’ENGEES Ecole Nationale du Génie de l’Eau et de l’Environnement de Strasbourg, UMR GESTE

[2] Beierle, T. C. 1999. Using social goals to evaluate public participation in environmental decisions. Policy Studies Review 16 (3/4): 75-103

[3] Professeur de Sciences politiques, AgroParisTech / CESSP. ESS et démocratie locale

[4] Maître de conférences de science politique, membre de l’UMR 5281 ART-Dev – Cirad, Montpellier

[5] Chargée de recherche FNSP – Centre d’études européennes – UMR8239

[6] Charlotte Halpern n’a pas souhaité mettre en ligne l’enregistrement, son intervention n’ayant encore jamais fait l’objet d’une publication.

[7] Maître de conférences – Université de Bordeaux – Chercheure au Centre Emile Durkheim – Chercheure associée au Centre d’Analyse et d’Intervention sociologique – CADIS-EHESS

[8] Maître de conférences – Ecole Nationale Supérieure du Paysage, Marseille – expert pour la convention d’Aarhus, aux Nation Unies, concernant la participation du public dans les négociations internationales